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Opinions

Les parlements inclusifs sont le plus grand espoir de la démocratie

IPU President

Par Gabriela Cuevas, Présidente de l'Union interparlementaire (UIP)

Il est peut-être prématuré de proclamer l'effondrement de la démocratie. Or, partout dans le monde, les gens font savoir qu'ils veulent des institutions démocratiques qui protègent la dignité humaine. Les récentes élections aux États-Unis, au Mexique et dans divers pays de l'Union européenne ont enregistré un taux de participation électorale record. Parallèlement, les plateformes de médias sociaux mobilisent une nouvelle génération de leaders civils.

Cependant, l'appui à la démocratie reste fragile. D'innombrables études confirment que la démocratie est en recul en de nombreux endroits et que les gens sont mécontents de ce qu'ils considèrent comme des paroles en l'air s’agissant des valeurs de la démocratie. Ils sont exaspérés par les élites qui semblent ignorer leurs besoins et par un système de gouvernance qui n'est pas à la hauteur à une époque où les inégalités s'accroissent et où la mondialisation et les technologies entraînent des changements radicaux. De plus, les populistes attisent habilement le mécontentement en semant la discorde, en alimentant le ressentiment et en exploitant les préjugés.

La démocratie est une voie à double sens – un dialogue constant entre la société civile et la classe politique. Toutefois, alors que l’on se bat pour préserver l'espace civique, celui-ci continue de se rétrécir à un rythme alarmant dans le monde entier et, par conséquent, les militants de la société civile ont de plus en plus de difficultés à agir. Des parlementaires, des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes sont agressés, pourchassés, détenus et, dans certains cas, tués.

À une époque où la confiance est faible et les craintes sont fortes, nous devons renforcer la confiance que la population accorde à la démocratie en veillant à ce que les parlements et les parlementaires représentent la volonté du peuple. Après tout, les parlements sont l'essence même de la gouvernance démocratique – le gouvernement par le peuple, pour le peuple.

L'Union interparlementaire (UIP) donne aux parlementaires les moyens de renforcer la démocratie depuis sa création il y a 130 ans. Fondée en 1889 par un petit groupe de parlementaires, elle est devenue une organisation mondiale de parlements nationaux représentant 179 assemblées législatives nationales.

La légitimité de la démocratie repose sur des parlements représentant la diversité de la société qu'ils sont censés incarner. L'exclusion ou la marginalisation de tout groupe doit être corrigée pour protéger les principes qui sous-tendent la gouvernance démocratique.

C'est pourquoi il faut accroître la représentation des femmes au parlement. Bien que le nombre de femmes parlementaires n'ait cessé d'augmenter au cours des 25 dernières années, il est triste de constater que moins d'un parlementaire sur quatre dans le monde est une femme. Par exemple, dans la région d'où je viens, l'Amérique latine, 30 pour cent des parlementaires sont des femmes – une situation qui a été rendue possible grâce, en grande partie, à des politiques de quotas bien conçues, dont beaucoup sont saluées et appuyées par l'UIP, mais nous avons encore beaucoup à faire pour atteindre la parité entre les sexes.

Par ailleurs, la moitié de la population mondiale a moins de trente ans, mais seulement deux pour cent des parlementaires appartiennent à ce groupe d'âge. Les jeunes sont essentiels à la survie et au succès des institutions démocratiques. L'UIP a été à l'avant-garde de l'action menée pour renforcer l'autonomisation politique des jeunes. Le Forum des jeunes parlementaires de l'UIP est un cadre international pour la participation des jeunes à la démocratie. Certains pays ont fixé des quotas et des objectifs électoraux, abaissé l'âge requis pour être élu et mis en place des réseaux de jeunes parlementaires. Par exemple, en 2018, le Président nigérian Muhammadu Buhari a promulgué la loi Not Too Young to Run, qui a abaissé l'âge auquel les citoyens peuvent se présenter aux élections.

La communauté internationale doit accroître son appui au renforcement de parlements inclusifs qui répondent aux préoccupations réelles de la population. L'UIP est déterminée à être à la tête de ces efforts. Tandis qu’augmentait le mécontentement suscité par l'inaction face aux changements climatiques, l'UIP a aidé les parlements à transposer l'Accord de Paris de 2015 dans leur législation nationale. De même, consciente de l'inquiétude liée aux flux migratoires, l'UIP a veillé à ce que le point de vue des parlementaires soit entendu lors des négociations concernant le Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations.  

Il est essentiel que les parlements et les parlementaires représentent véritablement le peuple, répondent aux besoins de celui-ci et œuvrent pour le bien commun. Ce n'est qu'alors que nous pourrons rétablir la confiance dans nos institutions démocratiques et assurer leur survie pour les générations à venir. L'UIP voit de nombreux exemples novateurs illustrant la capacité des parlements à se rapprocher de la population. Par exemple, l'Eduskunta, le parlement finlandais, organise régulièrement des sessions intitulées "Questions au Président du Parlement". Diffusées en direct sur les médias sociaux, elles permettent aux citoyens de lui poser des questions directement.
 
Au cours de ses 130 ans d’existence, l'UIP a pu constater l'impact positif qu'un parlement plus fort peut avoir lorsqu’il s’agit d’améliorer radicalement la vie des populations et le renforcement des institutions démocratiques. Alors que nous célébrons la Journée internationale de la démocratie, l’UIP s’engage à poursuivre son action avec encore plus d'énergie et de créativité. Il est de notre devoir, en tant que citoyens du monde entier, de reconnaître que des démocraties plus fortes sont la meilleure solution face aux extrémismes et aux défis auxquels le monde est confronté.

En somme, ce n'est pas la démocratie en tant que système de valeurs, de principes et de gouvernance qui est remise en question. C'est plutôt l'approche, la pratique de la démocratie et les institutions mises en place, souvent depuis des siècles, qui doivent être revues et rendues plus efficaces dans l'intérêt de la population. Il est évident que la démocratie doit être repensée pour relever les défis du XXIe siècle.