Skip to main content

Les parlements du Pacifique en période de pandémie

La région Pacifique est composée de milliers d'îles disséminées dans un vaste océan. Du point de vue des TIC, cette hétérogénéité géographique pose des problèmes particuliers, à savoir : frais de transaction élevés pour les entreprises et les pouvoirs publics, transport de marchandises irrégulier (compliqué par la fermeture des frontières et la réduction des liaisons aériennes consécutives à la COVID-19) et connexion relativement récente aux câbles de télécommunications sous-marins et aux câbles de fibre optique nationaux et internationaux.

En août 2020, le Pôle pour le Pacifique du Centre pour l'innovation au parlement a organisé deux réunions de partage de connaissances en ligne en collaboration avec l'Union interparlementaire, le Bureau régional pour le Pacifique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le programme Tai a Kiwa : Stronger Pacific Parliaments de la Nouvelle-Zélande. Nous avons eu le plaisir de compter parmi nous pour ces discussions l'Australie, les États fédérés de Micronésie, les Fidji, les Iles Cook, les Iles Salomon, Nauru, la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Zélande, la Polynésie française, Samoa, les Tonga et Vanuatu[1]. Mohamed Hussain (Directeur du service informatique du Secrétariat de la Majlis du Peuple des Maldives), orateur invité spécial, a également pris part aux deux réunions pour nous relater son expérience des plénières et des réunions de commissions en ligne. Il a souligné la réaction positive et le taux élevé de participation des parlementaires.

Heureusement, une large part de la région du Pacifique n'a pas été touchée par la COVID-19. Un certain nombre de petites îles ont rapidement instauré un état d'urgence, fermé leurs frontières et imposé des quarantaines pour protéger les groupes vulnérables dont les infrastructures sanitaires sont fragiles. La pandémie a lourdement touché des économies dépendant pour une large part du tourisme et le rétablissement économique devrait prendre plusieurs années. Il a sans dire que le budget du parlement se ressent du climat financier général et que la collaboration avec des partenaires tels que le PNUD (financé par l'Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande) et l'UIP sera d'autant plus indispensable.

Résumé des problèmes posés par la pandémie et des mesures prises pour y faire face dans la région

Les réunions de partage des connaissances ont commencé par une intervention du Bureau régional pour le Pacifique du PNUD, qui a évoqué l'aide qu'il propose aux parlements de la région. La pandémie de COVID-19 a exercé une influence considérable sur les systèmes et les structures de gouvernance, tout particulièrement sur les parlements en tant qu'institutions rassemblant des représentants chargés de mener à bien ensemble un mandat constitutionnel relatif à la législation, au contrôle et à la représentation. Il s'est posé la question de savoir ce qui restait possible en l'absence de contact physique. Nous avons réfléchi aux aspects techniques, à l'adaptation des politiques et procédures, ainsi qu'au vaste éventail de solutions informatiques qui permettraient au parlement de poursuivre ses activités en préservant l'ouverture, la transparence et la confiance du public. L'importance du réseau, le partage de connaissances et la préparation ont été au cœur de nos discussions. L'UIP a relevé qu'au début de la pandémie elle avait lancé une campagne d'information, qui s'était révélée utile pour comprendre les différents environnements et capacités informatiques, ainsi que l'implication de la direction et son degré d'adhésion à l'innovation.

Les confinements, d'un degré et d'une durée très variables dans la région du Pacifique, ont influé par divers biais sur le fonctionnement du parlement. Plusieurs sujets d'intérêt commun ont toutefois été soulevés pendant les réunions de notre pôle.

  • Planification de la continuité des travaux : Un grand nombre d'entre nous avions élaboré, ou étions en train d'élaborer, des plans visant à assurer la continuité de nos travaux en cas de catastrophe naturelle (ouragans, tremblements de terre). Nous n'avions toutefois pas envisagé une pandémie. Nous avons pris conscience de l'importance de mettre continuellement nos plans de continuité à l'épreuve sur la base de divers scénarios. Certains parlements ont constaté qu'ils ne disposaient d'aucun plan pour assurer la continuité de leurs travaux, gérer les risques ou faire face à une catastrophe, ou que ces plans étaient encore embryonnaires. Nous avons été rassurés par les propositions de collaboration de nos partenaires, qui ont pour but de nous permettre d'échanger des exemples et des enseignements précieux pour l'élaboration et la mise en œuvre de nos plans.
  • Équipement et matériel : Un grand nombre des mesures prises ont exigé le déploiement rapide d'appareils et d'équipement (ordinateurs portables et smartphones) destinés aux parlementaires et au personnel parlementaire. La pandémie a révélé des vulnérabilités dans la chaîne d'approvisionnement de matériel informatique, ainsi que l'incapacité à accéder au matériel, notamment en provenance de Chine. Certains parlements ont indiqué que leur personnel n'ayant jamais travaillé à distance jusque-là, des demandes urgentes de matériel et de reconversion d'équipement compatible VPN ont été formulées afin de conférer au personnel une réelle mobilité.
  • Sécurité : Certains des logiciels disponibles (notamment Zoom, Microsoft Teams, Cisco WebEx et des extensions telles que Polly) sont des produits génériques de masse qui n'ont pas été spécifiquement conçus pour l'environnement parlementaire, ce qui pose naturellement des questions de cybersécurité et d'intégrité. Il a été précisé que la sensibilisation aux questions de sécurité, d'hameçonnage, de harponnage et d'erreur humaine devait également être incluse dans les formations. Certains produits, considérés comme présentant un degré de sécurité insuffisant pour les activités parlementaires ou comme trop facilement exploitables, ont été rejetés.
  • Connectivité : Les parlements de la région ont évoqué des problèmes de connectivité et de stabilité de la connexion Internet. Plusieurs parlements du Pacifique ont aussi insisté sur l'importance de disposer d'une source alternative de courant électrique pour assurer les services critiques. Certains ont souligné la nécessité d'augmenter la largeur de bande pour garantir que le signal soit stable et de nature à réaliser de multiples opérations simultanées dans l'enceinte parlementaire. La gestion de la connectivité des parlementaires et du personnel parlementaire à leur domicile ou dans les circonscriptions peut se révéler délicate. Certains parlements ont fourni des clés modems USB mobiles.
  • Procédure : Certaines personnes ont mentionné les barrières constitutionnelles ou de procédure entravant la tenue de plénières et de réunions de commissions en ligne. Il s'agit notamment de la nécessité d'être présent et de voter en personne, ou de l'absence de mécanismes permettant le vote électronique ou par procuration. En outre, les plateformes de TIC ne se prêtent pas toujours bien à la procédure parlementaire habituelle, rendant difficile la gestion des demandes de prise de parole, des motions d'ordre, ainsi que l'intégrité des votes.
  • Formation : Les participants ont indiqué que les parlementaires et le personnel parlementaire avaient en général volontiers basculé sur des solutions informatiques innovantes pendant les confinements, mais la formation a souvent été organisée au pied levé et proposée de façon ponctuelle. Certains collaborateurs des services informatiques eux-mêmes n'avaient pas été formés professionnellement à l'utilisation des nouveaux logiciels et dépendaient de leurs propres initiatives d'apprentissage, voire de la formation proposée en interne.
  • Support technique : Les services d'assistance et le personnel informatique, parfois très peu nombreux dans les parlements du Pacifique, ont été mis à rude épreuve. Certaines questions étaient simples à résoudre, par exemple lorsqu'un parlementaire bloquait son accès en entrant un mot de passe erroné. Pour diminuer l'afflux de demandes aux services d'assistance, il a été proposé de recourir aux phrases de chiffrement (qui sont plus faciles à se remémorer, n'expirent pas, sont tout aussi robustes et plus difficiles à altérer) et, dans la mesure du possible, à une authentification unique (par exemple Azure AD) pour les interactions avec les outils utilisés par des tiers.
  • Investissements : Les investissements exigés par l'achat d'infrastructure, de matériel et de logiciels informatiques et la capacité à effectuer une transition rapide demeurent un défi dans le contexte des mesures d'austérité qui frappent les budgets parlementaires. Les parlements ont été invités à envisager de délaisser l'infrastructure locale (notamment les serveurs) pour commencer à stocker leurs données sur le cloud.

En dépit des difficultés rencontrées, les retombées positives ont été nombreuses. Les parlementaires du Pacifique ont expliqué que les outils virtuels leur avaient permis d'entrer en contact avec un plus grand nombre de leurs collègues parlementaires et davantage de groupes vivant dans des zones reculées, ainsi que de prendre part à plus de réunions et de discussions internationales. L'Assemblée législative des Tongas et le Parlement des Fidji, qui ont tous deux bénéficié du soutien à distance offert dans le cadre de l'initiative du Bureau parlementaire itinérant du budget du PNUD, en constituent un exemple. Il s'agit d'un réseau rassemblant des chercheurs parlementaires de différents parlements nationaux dans la région du Pacifique et au-delà. Ce réseau s'est donné comme objectif de mener des recherches et de produire des analyses rapides des tendances en matière de recettes et de dépenses nationales avant que les budgets ne soient débattus et mis aux voix.

Auteure : Wendy Hart, Parlement de la Nouvelle-Zélande
Personne à contacter : [email protected]

 

[1] La région Pacifique compte 15 parlements de nations souveraines ou de territoires autonomes. Le plus petit d'entre eux est celui des Etats fédérés de Micronésie (14 membres) et le plus grand celui de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (111 membres). Sur un périmètre plus large, la région comprend également le Parlement de l'Australie (151 membres, 76 sénateurs), le Parlement de la Nouvelle-Zélande (120 membres), le Congrès de la Nouvelle-Calédonie (54 membres), l'Assemblée de la Polynésie française (57 membres), l'Assemblée territoriale de Wallis et Futuna (20 sièges), la Législature de Guam (15 membres), la Législature de l'Etat d'Hawaii (51 membres, 25 sénateurs),  le Fono des Samoa américaines (21 membres, 18 sénateurs) et la Chambre des représentants de la Région autonome de Bougainville (41 membres).