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Actualités en bref

Armes autonomes : l'UIP ajoute un poids parlementaire en faveur d'une réglementation

drones

MOHAMMED HUWAIS / AFP

En début d'année, l'UIP s'est penchée sur la pressante question de la réglementation internationale relative aux systèmes d’armes autonomes (SAA) et à l'intelligence artificielle (IA), ces derniers pouvant avoir des implications dramatiques en matière de stabilité politique et de droits de l'homme. En effet, ces technologies émergentes ont déjà été utilisées sur des champs de bataille dans le monde entier, notamment en Arménie, en Azerbaïdjan, à Gaza et en Ukraine. 

Par certains aspects, les SAA et l'IA pourraient contribuer à la sécurité des civils et, en servant de systèmes de pré-alerte, à la préservation de la paix. Toutefois, ces technologies pouvant choisir et attaquer des cibles indépendamment de tout contrôle humain, elles compliquent la donne en matière de responsabilité juridique et augmentent les risques de crimes de guerre. 

Les SAA et l'IA modifient également la perception du risque et de la puissance stratégique et, ce faisant, peuvent accélérer de nouvelles courses aux armements et entraîner des frappes préventives. Autre inquiétude : les possibilités de prolifération et d'utilisation par des acteurs non étatiques. 

Ainsi, lorsque des centaines de parlementaires se sont réunis pour la 148e Assemblée de l'UIP, à Genève (Suisse), pour débattre du rôle des parlements en matière de consolidation de la paix et de relations multilatérales, les SAA et l'IA étaient également à l'ordre du jour. Les parlementaires de plus de 140 pays ont approuvé une résolution : L'impact social et humanitaire des systèmes d'armes autonomes et de l'intelligence artificielle.

Cette résolution exhorte les parlements à :

  • débattre des menaces que représentent les SAA, en travaillant avec un large éventail d'acteurs, par exemple les Nations Unies, le secteur de la défense, la société civile et le milieu universitaire ;
  • interdire l'utilisation d'armes totalement autonomes opérant en contradiction avec le droit international humanitaire ;
  • réglementer le développement, le déploiement et l'utilisation d'autres SAA, en particulier dans le respect du droit international ;
  • demander des comptes à leur gouvernement en matière de SAA et d'IA, notamment sur les questions connexes de la protection des données, des mécanismes d'enquête, de poursuites et de sanction, de la prolifération et de l'échange de bonnes pratiques ;
  • inciter leur gouvernement à faire progresser la réglementation internationale ;
  • promouvoir l'éducation et la sensibilisation, en informant les citoyens des implications éthiques, juridiques, humanitaires et sécuritaires des SAA ;
  • inviter l'UIP à se tenir informée sur cette question, notamment en organisant des débats lors de prochaines Assemblées, et à élaborer un ensemble de bonnes pratiques parlementaires.

Malgré l'opposition et les réserves de certains pays, la résolution a montré que les parlements considéraient collectivement ces nouvelles technologies comme un risque majeur. La résolution demande aux parlements d'agir et d'exhorter leur gouvernement à prendre les mesures appropriées. 

De nombreux parlementaires sont réticents à débattre des questions de sécurité, estimant que celles-ci relèvent des prérogatives du pouvoir exécutif. Bien qu'ils soient chargés de contrôler les dépenses du gouvernement, notamment les dépenses militaires, ces parlementaires ont souvent du mal à pleinement mettre en œuvre leurs fonctions de contrôle, de législation et d'établissement du budget. 

La mobilisation internationale à ce jour

La communauté internationale réfléchit à ces technologies depuis des années, en particulier à leur impact sur la stabilité politique et les droits de l'homme. Aucun accord n'a toutefois été trouvé jusqu'à présent. 

La Convention sur certaines armes classiques, par exemple, interdit ou restreint l'utilisation d'armes spécifiques provoquant, sur les combattants, des souffrances inutiles ou injustifiables, ou touchant les civils sans discrimination. Depuis 2013, les diplomates recourent à cette convention qui sert de cadre de discussion sur les SAA et l'IA. Les pourparlers n'ont néanmoins pas abouti à un résultat substantiel, en partie parce que les États membres n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les définitions. 

Les discussions multilatérales ont surtout permis de sensibiliser à cette question et de créer une dynamique en vue d'un accord international.

En octobre 2022, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté la résolution 51/22, qui appelle au respect du droit international humanitaire dans le cadre du développement et de l'utilisation des nouvelles technologies militaires. 

En juillet 2023, le Secrétaire général de l'ONU a publié son Nouvel agenda pour la paix, puis un Appel conjoint en octobre avec le CICR. Depuis 2018, il n'a eu de cesse de déclarer que les SAA étaient "politiquement inacceptables et moralement répugnants".

Plus récemment, en décembre 2023, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 78/241, qui fait état de tout l'éventail des préoccupations humanitaires, juridiques, sécuritaires, technologiques et éthiques liées aux SAA et à l'IA. Cette résolution salue les contributions des initiatives et conférences internationales et régionales, ainsi que des organismes des Nations Unies, du CICR, de la société civile, du milieu universitaire, etc.

Les Nations Unies et d'autres organisations demandent un instrument juridiquement contraignant d'ici à 2026 afin d'interdire les SAA létaux, lesquels sont définis comme étant des systèmes d'armes opérant sans contrôle humain ou surveillance et ne pouvant être utilisés conformément au droit international humanitaire. 

Mobilisation parlementaire 

L'UIP a fait entendre sa voix, et celle des parlements du monde entier, pour contribuer à créer une dynamique en faveur d'un accord international. En approuvant la résolution, les parlements acceptent, au moins sur le principe, de mettre en œuvre les actions citées. 

L'action parlementaire unilatérale peut contribuer à l'établissement de principes et de normes. L'interdiction des mines antipersonnel par la Belgique en 1995 et l'interdiction des armes à sous-munitions en 2006 ont toutes deux contribué à créer une dynamique en faveur d'interdictions mondiales plus larges. 

Les responsables de l'UIP sont toutefois conscients que, dans le cas présent, des progrès en matière de SAA et d'IA sont plus susceptibles d'être réalisés par le biais d'accords internationaux ayant un poids juridique. 

Faciliter la conclusion de tels accords est précisément le rôle de l'UIP, qui s'est depuis longtemps engagée en faveur de la paix et de la sécurité. Depuis près de 135 ans, elle représente un forum de dialogue et de diplomatie entre responsables politiques du monde entier. 

En abordant ces questions, l'UIP a ouvert un nouveau forum de discussion multilatéral et a ajouté un poids parlementaire à la demande croissante de réglementation en matière de SAA et d'IA au niveau international.