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Opinions

IA-2/5 : Pour Denis Naughten, les parlementaires doivent se rapprocher des scientifiques

De nombreux experts constatent l'évolution rapide de l'intelligence artificielle (IA) et s'inquiètent de ses effets sur la démocratie. Ce constat posé, l'UIP prépare une série de cinq articles sur ce thème. Dans ce deuxième article, l'UIP demande à Denis Naughten, Président du Groupe de travail de l'UIP sur la science et la technologie, quels conseils il donnerait aux parlementaires dans le monde.

Parlementaire irlandais depuis 1997, Denis Naughten bénéficiait déjà d'une solide expérience lorsqu'il a pris ses fonctions de Président du Groupe de travail. Son pays, l'une des économies numériques les plus en pointe en Europe, accueille les sièges européens de plusieurs grandes entreprises high-tech, par exemple Google, Apple et Facebook. Comme Ministre de la communication en Irlande entre 2016 et 2018, l'économie numérique entrait dans le cadre de sa mission.

Bien qu'il comprenne les inquiétudes que suscite l'IA, M. Naughten explique que les opportunités doivent également être prises en compte.

Pour lui, "l'IA est surtout traitée comme une menace par les médias, une menace existentielle. Il faut trouver un juste équilibre."

En matière de médecine, l'IA pourrait ouvrir la voie à des diagnostics rapides, à de nouveaux et puissants médicaments, et même à des équipements médicaux d'aide aux handicapés. Elle pourrait aussi rendre possible de nouveaux aliments permettant de protéger les gens du COVID, du virus Ebola ou d'autres maladies.

Il s'agit de trouver le bon dosage entre des opportunités comme celles-là et les risques découlant d'une situation dans laquelle les ordinateurs prennent toutes les décisions.

“Il nous faut intégrer des mécanismes humains de contrôle”, explique-t-il.

La technologie et l'innovation évoluent souvent trop vite pour la législation. Lorsque M. Naughten était ministre, le harcèlement et l'intimidation en ligne représentaient des problèmes majeurs, surtout pour les jeunes générations. Trouver des solutions était toutefois difficile vu la rapidité d'évolution des réseaux sociaux.

M. Naughten explique que le Parlement irlandais a défini un ensemble de principes et a nommé un nouveau Commissaire chargé de la sécurité en ligne, doté des pouvoirs nécessaires de régulation, mais pouvant également s'adapter en fonction de l'évolution des réseaux sociaux.

L'EXPÉRIENCE EUROPÉENNE

Le Groupe de travail de l'UIP a élaboré une Charte éthique internationale de l’usage des sciences et des technologies afin que le développement de la science et de la technologie, et l'usage des données qui en découlent, se fassent de manière responsable et durable. Cette Charte fournira aux parlements un ensemble de principes et de valeurs afin de guider leurs travaux.

M. Naughten espère une présentation de la Charte lors de la prochaine Assemblée de l'UIP, en Angola, mais cela pourrait prendre un peu plus de temps. Ensuite, on devra définir comment l'UIP pourra aider les pays à appliquer la Charte.

“Des normes doivent être mises au point, mais il convient également de mettre les pays en capacité d'élaborer ces normes”, explique-t-il. “Il leur faut des ressources, des capacités et des outils."

Comme source d'inspiration, M. Naughten se tourne vers le Groupe d'experts de haut niveau de l'Union européenne sur l'intelligence artificielle. Ce Groupe propose sept directives éthiques pour le développement d'une IA digne de confiance. Développeurs comme législateurs peuvent recourir à ces directives pour vérifier que leur législation sur l'IA ou leurs applications basées sur cette technologie sont adaptées aux besoins.

“Ces sept principes sont les bons”, estime M. Naughten. “Ce document doit servir de base de référence aux parlementaires.”

MEILLEURE COMMUNICATION

M. Naughten, qui a une formation scientifique, explique que parlementaires et scientifiques doivent apprendre à communiquer plus efficacement. Les scientifiques disposent d'un vaste savoir sur lequel les parlements pourraient s'appuyer davantage en vue d'examiner la législation et de l'élaborer.

“Scientifiques et responsables politiques ont beaucoup en commun”, précise M. Naughten. “Les uns comme les autres souhaitent que les sociétés et les pays proposent de meilleures conditions de vie.”

“Le problème, c'est qu'ils ne parlent pas la même langue”, ajoute-t-il. Le Groupe de travail de l'UIP sur la science et la technologie essaie d'établir un pont entre ces deux parties.

Pour commencer à répondre à cette question, l'UIP travaille avec des parlements du monde entier, notamment la Malaisie, la Roumanie et la Slovénie, en vue de collaborer avec des universitaires sur divers sujets, par exemple la qualité de l'air et la sécurité énergétique. Ces échanges incluront des conseils, des discussions et des documents d'information, tous ces processus visant à créer une législation plus éclairée.

“Mon conseil aux parlementaires dans le monde est de se rapprocher de la communauté scientifique.”

“Les parlementaires doivent interagir avec les scientifiques”, conclut-il.