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Le point de vue de l’Estonie : L’IA pour les débutants avancés

L'équipe du CIP s’est entretenue avec Ahto Saks, Directeur administratif du Parlement estonien, le Riigikogu. Nous avons discuté de la manière dont les premières initiatives prises par le Parlement en matière d'IA ont permis d’appuyer les travaux parlementaires. Et ces activités ont maintenant évolué vers de nouveaux projets plus complexes.

CIP : Comment le Riigikogu a-t-il commencé à travailler avec l'IA et quels ont été les résultats ?

AS : Nous avons mis en place un système appelé HANS, qui repose sur les grands modèles de langage. Il transcrit toutes les réunions du Parlement (y compris les séances plénières et les réunions des commissions) en utilisant la reconnaissance automatique de la parole. En ce qui concerne les séances plénières, les rédacteurs relisent et corrigent le texte abrégé généré par l’IA avant la publication sur notre site web. Dans les commissions, le personnel utilise la transcription intégrale pour préparer manuellement les procès-verbaux des commissions. Jusqu’ici, le pourcentage d'erreur de HANS a été d’environ 5 %. Ce pourcentage varie en fonction de ce qui se passe pendant la réunion et des personnes qui prennent la parole.

CIP : Y a-t-il eu des conséquences sur l'organisation ?

AS : Il y a maintenant quatre personnes de moins. Toute l'équipe de sténographes a disparu. Ainsi, l'IA a remplacé quatre personnes, et on a numérisé leur travail. Ils approchaient de l'âge de la retraite, et il était difficile de recruter des sténographes nouvellement formés. Il s'agit d'un travail intensif et répétitif que les jeunes ne veulent plus faire. Cela a donc été un des moteurs du projet.

CIP : Quels ont été les autres moteurs ?

AS : Ils ont été essentiellement techniques. Notre ancien système de transcription était devenu obsolète sur le plan de la sécurité. Et la nouvelle technologie de conversion de la parole en texte a évolué pour devenir plus performante et rapide. Autrefois, les taux d'erreur pouvaient atteindre 40 % ou plus. Ils ont aujourd’hui diminué, car nous avons formé les modèles de langage plus récents et plus performants avec davantage de données. Il s’agissait donc d'une question de temps. Notre système est désormais capable de reconnaître plus de 200 personnes différentes, y compris les parlementaires, les ministres, le Premier ministre, le président, etc.

CIP : Que pouvez-vous dire en termes de propriété et de surveillance de l’IA ?

AS : Nous sommes propriétaires du code et proposons l’outil à tout le monde en Estonie. Il est exclusivement destiné à notre usage parlementaire. Mais d'autres organisations ont manifesté un intérêt, comme le Conseil municipal de la mairie de Tallinn. Leurs systèmes sont similaires aux nôtres, et nous poursuivons les discussions avec eux. Il n'y a aucun problème de surveillance, car ce type d'IA est plutôt simple à gérer. Le texte qu’il génère est correct ou non.  S’il ne l'est pas, nous intervenons pour corriger les résultats.

CIP : Parlons de l'avenir : quels sont vos prochains projets ?

AS : Nous envisageons de créer des résumés automatisés pour les réunions des commissions, sur la base des transcriptions HANS. Mais la tâche est un peu plus délicate, car il s’agit d'IA générative et qu’elle doit produire des rapports véridiques, équilibrés et neutres. Si un membre répète 20 fois une fausse déclaration lors d’une réunion, elle pourrait passer pour la vérité dans les procès-verbaux générés par l'IA.

Nous voyons donc deux axes se profiler. L’un porte sur le développement de la technologie en mode expérimental afin d’en démontrer les capacités et les limites. L’autre permet aux dirigeants du parlement et aux politiciens d’examiner les exigences en matière d’IA. En fin de compte, il n’y a aucune raison de craindre l’IA, car il y aura toujours des hommes et des femmes (en l’occurrence, les rapporteurs des commissions) pour superviser la révision, la correction et la production du texte final.