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L'essor de l'intelligence artificielle dans les parlements

M. Andy Williamson
Chercheur Principal, Centre pour l'innovation au Parlement, UIP (Union Interparlementaire).
Septembre 2023

L'IA n’a rien de révolutionnaire. Au XIVe siècle, Ramon Llull a proposé une méthode basée sur le papier qui pouvait générer de nouvelles connaissances en associant des concepts. Au début des années 1950, des chercheurs britanniques jouaient aux dames contre leur ordinateur.

En 2023, nous constatons que l'intelligence artificielle est devenue le nouveau phénomène technologique à la mode. Beaucoup d’exagérations entourent l’IA, comme on l’a déjà vu avec les tendances numériques précédentes telles qu’Internet, les réseaux sociaux et la blockchain. Mais cet engouement est-il justifié ? L’IA va-t-elle véritablement transformer notre existence ?

Nous avons incontestablement franchi une nouvelle étape dans l'intégration de l'IA. Cette technologie est désormais capable d’interagir directement avec nous, de générer de nouveaux contenus et de prédire des résultats. Ces avancées pourraient entraîner des transformations dans de très nombreux secteurs, y compris les parlements.

L'IA se développe à une vitesse stupéfiante. Notre niveau actuel d’innovation en matière d’IA est inédit, créant ainsi des opportunités et des défis. Plusieurs parlements utilisent et testent déjà l'IA. Elle se révèle utile pour la rédaction de lois, la synthèse de documents parlementaires, l’aide aux citoyens pour poser des questions sur les activités parlementaires, et bien d’autres applications. Aujourd'hui, l’IA est capable de générer, d’analyser et d’améliorer de manière très efficace de vastes quantités de texte. Et la fiabilité des modèles ne fera que s'améliorer avec le temps.

Nous pouvons tirer des enseignements des pionniers. Nous sommes ravis de pouvoir partager des exemples de leurs travaux dans cette édition du Bulletin de l’innovation ainsi que dans les précédentes (voir les articles sur Bahreïn, l’Italie, le CERDP). D'autres effectuent des essais avant de s'engager, tandis que certains n'ont pas encore pris position.

La mise en place de l'IA ne se résume pas uniquement à l'adoption d'une nouvelle technologie, mais suppose une transformation de la culture, des procédures et des processus. Pour appréhender l’impact de l'IA sur les parlements, nous devons d'abord nous concentrer sur des domaines clés tels que la réglementation et la gouvernance. L’IA doit être responsable et éthique. De plus, il est crucial de prendre en compte les niveaux de compétence numérique et de maîtrise de l’information nécessaires pour tirer parti de l’IA. Une gestion adéquate de l'IA dans les parlements est indispensable, que l’on opte pour un cadre hiérarchique ou une approche axée sur les cas concrets d'utilisation (des partisans soutiennent les deux approches). Pour gérer l’IA de manière efficace, les parlements doivent collaborer et partager leurs expériences.

L'IA comporte ses défis, en particulier l'IA générative et les grands modèles de langage sur lesquels elle repose. Comment les algorithmes sont-ils construits ? Comment prévenir les biais inhérents aux grands modèles de langage et les biais de confirmation dans les algorithmes ? Il faut résoudre le problème des « hallucinations » (lorsque les outils d'IA génèrent des résultats fictifs ou fantaisistes) et prendre en considération les risques liés aux sources restreintes ou biaisées. Les parlements doivent examiner les conséquences involontaires de l'IA, notamment les biais involontaires, le risque de désinformation (y compris les deep fakes [Procédé de manipulation audiovisuelle qui recourt aux algorithmes de l'apprentissage profond pour créer des trucages ultraréalistes - intentionnels]) et la perpétuation de stéréotypes qui renforcent les inégalités. Il existe également des défis en matière de cybersécurité, notamment pour s'assurer que les systèmes basés sur l'IA ne puissent pas être manipulés par des acteurs malveillants.

Les parlements doivent élaborer des directives solides pour encadrer l’utilisation de l'IA. Elles doivent comporter des procédures d'audit et de transparence, des lignes directrices sur le moment et le lieu appropriés pour utiliser l'IA, tout en veillant à ce que cette utilisation soit transparente pour le public. Tout en reconnaissant les défis, il est également essentiel de mettre en avant les avantages de l'IA.  Les parlements doivent encourager une culture d'innovation et d'expérimentation à mesure que de nouvelles applications émergent et que les technologies évoluent rapidement. Tout cela peut être réalisé de manière plus efficace si les parlements partagent leurs expériences et apprennent les uns des autres.